samedi 16 juin 2012

La folle extase

°°


Languide et livide
La sono dégouline
Perle sur ta peau
Lèche l'or de tes doigts
Il était une fois...
Au fil de l'eau
Des pierres cristallines
...

Libre et esclave
Ton corps déménage
Vers de bleus marécages
Course folle en extase
Héroïne sans âge
Tu chevauches Pégase
...

Puis...Déferle la vague
Magnifique et superbe
Assise au bord de l'herbe
Et pris dans ta madrague
Ton délire et ton verbe
...

Lors...Tu bois l'univers
Gisant au fond d'un verre
Mais pas de renaissance
Dans la vaine effluence
Ton corps déborde
Tend une corde
Vers la rive automate
De tes vieux rêves
...

Là ton âme démâte
Tombe de haut
Je suis là je colmate
La brèche dans ta coque
Qui doucement prend l'eau
...

Les yeux ouverts
La pensée ancienne
Ta pupille éclaire
Des oiseaux qui pervers
Reviennent égriser
Ton cœur bagué

D'un solitaire


°°


mardi 27 mars 2012

Jusqu'à la différence

°°


Où se cachent l'hiver, son ciel de marbre gris,
Quand le vent tourne au bleu des lumières vernales,
Quand la fauvette chante en notes atonales
La noce des saisons dont nous sommes épris ?

Le temps fait oublier ce qu'il nous avait pris:
Le regret des baisers, des amours automnales,
Le deuil de février, ses oeuvres cardinales,
Tout ce qui gît sous terre en nos rêves aigris.

Tu connais mon chemin entre lierre et bruyère
Que j'avais pris jadis avant que d'être à Hyères
Près du bougainvillier, du jasmin indolent.

Je connais ton chemin d'averses et de pluie
De la couleur absente à la douleur enfouie
Jusqu'à la différence, ô printemps insolent !


°°

samedi 21 novembre 2009

Octobre aux couleurs fauves

°°

D'emblée,
Rassemblés en bordure d'un désenchantement,
Des souvenirs d'octobre...

Une rupture de ban, de bleus, de blancs
D'un brillant été,
Banal.

Pas de tempête, pas de fête,
Rien d'une révolution rouge,
Un peu de pluie, toujours des pleurs,
Et la peur de larmes froides.

Finalement rien d'alarmant.

Octobre, juste un temps sobre,
En quelque sorte
Banal.

Des feuilles mortes, quelques parfums boisés,
Et des couleurs toujours,
Pauvres et ocrées.

Octobre, un rendez-vous manqué
Pour le baiser au goût sucré
Aux vendanges tardives.

La fauvette furtive
Se sauve d'un sourire frémissant,
Élégante, ailée.

Là-bas
À l'ouest
Le ciel succombe étonné et fauve.


°°

Octobre prêt à convier l'hiver...

°°

Sur le bois clair d'une table impatiente,
Un livre ouvert attend
Derrière la fenêtre parturiente,
Qu'Octobre s'abandonne
Comme elle
A l'enfantement
D'un gris* meurtrier
Là-bas entre les oliviers,
Froid, hostile, bien trop humide,
Prêt à convier l'hiver,
Ses lignes infertiles
Entre les sillons bleus
Des champs de blé dormeurs
Aux couleurs terre
De sienne brûlée.

Ton âme s'est réfugiée au cœur de la mienne.

Partout la lumière blanche,
Tranchante, cruelle et franche,
Dans ses échos de métal,
Ses reflets d'airain,
Sur le grès rouge monumental
Des montagnes,
Joue à changer l'or froid d'une forêt infidèle
En plomb,
Bien que depuis toujours
Elle soit sa compagne.

Ton âme abritée au creux de la mienne
Me trouble déjà.

Entre tes mains aux doigts glacés d'albâtre
Un livre ouvert attend
Qu'un vent violent feuillette ses pages blanches
Pour comprendre
Pourquoi pas un mot ne s'envole
S'il n'est pas encore écrit pour ce théâtre
Où jamais tu ne te joueras d'eux,
Pour savoir
S'il doit attendre que tes paroles se figent
En un je t'aime, demain.


°°

Ces deux-là se connaissent...

°°


C'est à n'en point douter, ces deux-là se connaissent.
Parmi les invités, la musique, l'orchestre,
Dans la lueur bleuâtre indécise et terrestre,
Au centre d'un théâtre où leurs yeux se caressent,

Ils se parlent.


Et pourtant pas un son audible ne dévoile
Leurs cœurs au diapason dans le rythme synchrone
D'inutiles discours de ces vains épigones
Croyant savoir l'amour en croisant les étoiles;

Ils se taisent.


Où donc ont-ils appris à peupler ce silence,
A paraître incompris aux âmes étrangères
Qui n'ont jamais connu cette heure passagère
Où rien n'est dit au cœur dont il n'ait point la science.


°°

Désormais...

°°


Désormais,

Le soleil attendra, que tu ouvres les yeux
Pour éclairer le monde, oublieux des mensonges
Enfouis sous le drap, mordoré de nos songes
Dans cette nuit profonde où nos cœurs sont joyeux.

Désormais,

Le vent pourtant si fort des soupirs amoureux,
Des plaintes et des cris, déchirant les montagnes,
Se taira quand tu dors - tes rêves m'accompagnent
Le long du chemin gris d'un hiver ténébreux.


Sans doute ai-je croisé ton regard d'abandon
Cette larme d'amour où ton âme délivre
Mon silence brisé, comme on referme un livre
Si les mots sont trop courts pour demander pardon,

À Dieu.

Sur ta lèvre un baiser en trois mots prononcés,
Un souffle au goût de miel, le parfum des étoiles
Dans mon ciel apaisé, lève aujourd'hui le voile
Sur le verbe essentiel; nul ne peut renoncer

À aimer.


°°

Novembre aux beaux vaisseaux brisés

°°

Novembre aux beaux vaisseaux brisés,
Aux voiles d'ocre, déchirées,
Aux mâts de cendre brûlée,

Se teinte d'ambre.


Quand la couleur de tes yeux change...


Novembre sagement ancré,
Au port des ombres,
Aux portes à la froidure hiémale
D'amours défuntes,
Damé de gris,
De granit,
Criblé de chrysanthèmes criards,
D'heureux corbillats,
De bruyère légère
Au gré des vents,

Doucement sombre.


Quand tu déploies tes ailes d'ange...


Novembre alité souffreteux,
Malade d'aimer la lumière trépassée
D'étoiles vainement ramassées,
Comateux, entre ses draps ocrés,
Brodés de rouge de jaune et d' or,

Agonise abandonné, dehors.


Rien de l'amour n'est étrange...


Novembre ruiné, par la dette organique
À payer aux hivers, cyniques
En habit blanc, noir en dedans,
Enrichis de nos décompositions.

Endort la passion.


Là,
Où rien ne change.


°°

Novembre aux métamorphoses précieuses

°°


En robe rouge en robe orange
Les feuilles mortes font les folles
Aux frairies fraiches des villages,
En étrangères.
Ces rutilantes voluptés
Au soleil fade et fatigué
Sont au plaisir renouvelé
D'embrasser
Le sol.

Novembre est un passage,
Rêve errance galante,
Aux arômes boisés.

Ô NovAmbre,

Étonnantes métamorphoses,
Odorante humilité
Des choses
Végétales, livrées,
Mêlées
Au minéral.

Ivres de l'aiguail parfumé des sous-bois,
Les mésanges songeuses volent
Heureuses malgré tout.
Aux abois dans un ciel de travers,
Des nuages sévères,
S'affolent.


Bien à l'abri des gris acides venus d'ailleurs,
Novembre en robe de chambre
Écoute Schubert.

Un précieux voyage en hiver, demain.


°°

jeudi 17 septembre 2009

Septembre

...




Ô comme tu lui ressembles !

À cet été finissant qui ne verra jamais octobre,

À ce rayon timide et sobre

Qui n'ose entrer dans l'ombre où ma lumière tremble,



Inquiète.



Je ne t'ai pas rêvée,

À peine imaginé

Qu'un jour tu serais prête

À faire ce long voyage,

À braver la tempête

Comme on tourne une page

Que l'on croit à jamais



Écrite.



Comme tu leur ressembles

À ces nuages étonnamment heureux

Qui dans ton ciel vont l'amble

Sous les regards vitreux

D'un soleil finissant.



...

jeudi 27 août 2009

Quand je vous écrivais



Et septembre était en gris.

Vous ne répondiez plus à mes lettres, Madame.
Or je prenais bien soin de vous cacher ma flamme
Et de garder pour moi le secret de mon âme
Que votre indifférence en ce silence entame.

Quand je vous écrivais,

Je croyais sans raison que votre coeur épris
D'un autre, ne verrait cet amour incompris;
Je craignais votre haine autant que le mépris
Qu'inspire un sentiment dont je savais le prix.

Sous ma plume morose,

Vous aviez deviné mes larmes abîmées.
Personne ne guérit de n'être point aimé
Bien que le temps apaise une plaie refermée
Sur ce profond désir que l'on a réprimé.

Mon souvenir se brise.

Je vous revois encor dans ce jardin de roses,
Femme dans vos regards, coquette dans vos poses,
Entourée d'amoureux, d'amis, d'âmes écloses
Entre vos bras gracieux qui donnaient tant de choses;

Un peu comme à l'école.

Votre buste dressé toujours dans la maitrise
D'éviter les écueils, au piano assise;
Vous jouiez Debussy: cette suite précise
Où couraient des élans de tendresse indécise;

Vous aviez de l'humour.

A ce poète errant vous prenant pour idole,
Jurant fidélité en vers en paremboles,
Vous citiez du Rilke offrant comme une obole
Ces mots: "Ein Gott sermags. Wie aber, sag mir, soll"


Aujourd'hui, je voyage et je fais le détour
Vers vous que j'ai laissée une nuit à Hambourg
Vous promettant d'écrire une lettre par jour
Malgré la peste brune et le vol des vautours.


jeudi 16 juillet 2009

Funérailles



Ce soir tout est paisible et ton âme et ma peur,
Quelques lueurs au loin tardent à disparaître;
Peut-être est-ce un regret, le silence du cœur,
Qu'imagine toujours l'amour qu'on croit renaître.

Or la nuit sera longue étrange et dangereuse,
Le sommeil attendra, mes regards seront sombres.
Malgré le vin d'Anjou, les beignets de la gueuse,
Je serai sans pitié pour les remords faits d'ombre.

Ils seront satisfaits de tes mots qui berçaient
L'insane indifférence au petit corps meurtri,
Aux appels au secours que tu n'as pas lancés
Un pied dans cette tombe où tes fleurs ont flétri.

Ils iront rassurés, croîtront, multiplieront;
Dieu que la vie est belle et que son souffle est chaud !
Ils maudiront l'amer, de toi ne garderont
Qu'un sourire effacé par le froid du caveau.

Demain je vêtirai la robe de tes rêves,
Ton manteau de pudeur qui cachera mes larmes,
J'irai par tes chemins je marcherai sans trêve;
Quand tu prendras ma main, elle sera sans arme.

mercredi 15 juillet 2009

Poubelle Babylone



Pas belle Babylone,
De fiel forgée,
De béton broyée,
Babel de carbone,
Brûlée
Par tes nuits insomniaques,
De désirs orgiaques,
Aux pieds de tes tours
Au sort scellé,
Pousse la belladone,
Les soirs de sabbat.

Poubelle Babylone,
Vois la noria
De tes parias !
Valsent les gyrophares
Sur les rotondes
Des filles sans fard.
Sodome inonde
Ton ciel blafard.

Tandis qu'Abel
En berger du monde,
Assassiné,
Dort.

dimanche 12 juillet 2009

Larmes de verre



Au bord de mes yeux couleur cendre,
Le long manteau de poussière
D'un train d'où l'on ne peut descendre
Prend le voyage en marche arrière.

Où sont gravés tous les regards
Portant la peur dans les valises ?
Sur quelle voie, dans quelle gare
Le sang des vies qu'on banalise ?

J'ai vu de la chair les colonnes
De corps brûlants, les uniformes
Qui n'appartenaient à personne:
La haine n'étant pas conforme.

Mes larmes sont-elles de verre ?
Mes livres clairs, de noir cristal ?
Le ciel est-il encor couvert
Sur la mémoire au goût létal ?

mardi 16 juin 2009

Où se rendent les âmes


...qui leur donne ces ailes ?

Où se rendent nos âmes
lorsque
lassées des corps
elles voguent
entament
ce long voyage sans décor ?

Où se rendent-elles ?
Qui leur donne ces ailes ?

Où se rendent les âmes
vers quelle terre
sur quelle mer ?

Ont-elles vécu
trop de drames
porté assez de chimères ?

Pourquoi encor braver l'orage ?
Qui leur donne ce courage ?

Vont-elles au loin
vers l'horizon,
le soir quand le jour bascule,
faire à la nuit la liaison
d'incandescents crépuscules ?



___________________________


© crée et publié sur tlp 15/12 2008


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dimanche 31 mai 2009

Voici l'Heure



Voici l'heure aux mécaniques ultimes,
Aux décompositions bien réglées,
L'heure, attente que le ciel s'abîme
Dans un rêve, par ton souffle cinglée !

Le vent dehors hurleur de désespoir
Efface ton verbe aux chants indiscrets.
Te faut-il faire encor semblant de croire
Qu'il te confiera demain son secret,
Lui qui n'a jamais parlé qu'aux pierres ?

Voici l'heure qui clôt les paupières
Sans un Ave, sans un Pater Noster !
Quand le sang coule, elle n'est jamais prête,
Quand l'âme doute, il ne fait plus le fier.
Voici l'heure sincère et malhonnête !

Tu peux l'écrire en bleu, tromper la vie,
La recouvrir du noir de ton pinceau,
Tu sais l'amour, l'impossible survie,
Le court baiser dont tu portes le sceau.


mardi 12 mai 2009

Rêve-Errance




Venez pour une danse oublier vos errances,
Valser sur vos soleils, vibrer sous mes étoiles,
Donnez-moi la cadence ! Après ma révérence
Rien ne sera pareil aux cœurs qui se dévoilent.

Vague était votre rêve en rives enchantées;
Voguer au gré des vents nous fera les amants
D'une nuit toujours brève aux plages argentées
Revenus vers le temps où nous étions enfants.

Quand la musique vole au silence son chant,
Quand vos pas dans les miens aux vôtres s'approchant
Mesurent la parole à ne pas prononcer,

Nous savons vous et moi qu'il n'est pas encor temps:
Nomades en émoi nous ne serons distants
Que d'un baiser frivole à peine dénoncé.

jeudi 30 avril 2009

Ni cri, ni geste



Face à face, ils mêlent leur art dans un corps à corde sans légende.

Rien. Ils ne s'écrivent pas. Ni cri, ni geste

Lui, introduit son pas silencieux en elle, Reine altière et mélodieuse. Lui toujours, position basse, attitude presque aptère, dans l'attente immobile d'Elle, prêt à pénétrer dans sa voix écartée, développe son corps aux muscles tendus.

Magnifique est son jet, son assemblé presque désarticulé, son enchaînement déclinant l'espace celé, rat aux dimensions célestes, déstructurant les lois humaines qu'il obère en prince du geste.

Point d'arrêt. Dans son ascension, son regard la suit, son geste guide sa voix. Sa voie accentue son pas et le porte vers des octaves aux faussets périlleux dans cette course mélismatique.

Contre-ut. La fugue est inutile, elle est à lui, possessive mais captée.

À Lui, Elle s'enchaîne fragile, re-liée à la virtuose motilité de son geste.

Son émis. Son Élu. Point d'orgue. Émission voluptueuse et souriante, troublant l'éther, aérée, aérienne, dans son ambitus vertigineux, chiaroscuro de l'essence même de sa voix au torse des résonances illimitées.

Enfin, l'extase. La connexion sexuelle. L'Eros convoqué.
La provocante production sonore, cambrée, apertement reproductive, ouverte à l'enfantement du chant désiré, dé-cambrée sur sa corde tendue aux vibrations perdues en Lui.

En émissaire soudain 'falsetto', Il s'écrie en Elle, réceptive, délurée, diluée.

Elle aussi, ces cris vers Lui.
Colorature exposant l'argument chromatique aux entrechats agiles de sa danse macabre aux sissones coupantes, comme autant de réponses libérées des arabesques de son Sultan qui danse en
Roi.



[juillet 2007]


mardi 28 avril 2009

Je te réponds en sarabande


Je te réponds en sarabande
Sur mes chemins de contrebande

Que maintenant mon âme est libre
De tous les temps en équilibre

Entre le rire des vagants
Et le regard noir des brigands

J'ai volé l'encre des ruisseaux
Violé la muse de Rousseau

Pour te répondre en harmonie
Ce chant sur papier d'Arménie

Que j'ai brûlé dans les nuages
Mes sonnets désormais trop sages

Couché sur ton lit de jacinthes
Mes vers dégrisés dans l'absinthe

Je te réponds en déraison
De ma mémoire et sa prison

En notes encor malhabiles
Que ma sonate est cantabile

Malgré ses noires et ses croches
Sa clé d'outre où mon cœur s'accroche

Et qu'elle vole au gré des vents
Comme jamais auparavant


Ce texte est la réponse au poème de Lotus http://lejardindelotus.blogspot.com/2009/01/je-tcris-sur-le-vent-dirlande.html

Ambrosia



Quand la nuit te fait plaine ensemencée d'étoiles,
Quand le vent me fait laine étendue sur ton corps,
Lors tu donnes congé au temps sans son accord,
Enfin je te sais mienne, enfin tu me dévoiles.

Et dans ton rêve bleu, ma douce assuétude,
Ta langueur opiacée, mes volutes d'encens
S'enlacent sur l'autel où se grisent de sang
Nos lèvres en pixels sans la moindre inquiétude.

Puis mes désirs ardents liquéfient toute opale
Des filaments de sucre aux bouts de tes doigts blancs ;
Elle devient tangible et ne fait pas semblant
Ma caresse impatiente autour de tes seins pâles.

Il faudra bien qu'un jour, Ambrosia ma bergère
Tu me guides vers toi, me montres le chemin,
Et pour qu'enfin comblées s'unissent nos deux mains
Au-delà de la toile entre nous étrangère.

Quand ma nuit sera pleine et de toi et du voile
Des baisers doucement déposés sur ton corps,
Le temps fera silence et tu crieras : "Encore !
Montre-moi, mon amour, la maison des étoiles !"




samedi 25 avril 2009

La grande Ballade d'Abigaël




À toi, qui depuis toujours désirais
Changer le cours de tes nuits incomprises,
Chasser l'ennui de ces jours retirés
Sous le toit gris du berceau sans surprise,
Paris t'offrit: ses orgies, son emprise,
Sa tour Eiffel, sa fière citadelle,
Les baisers fous d'amoureux infidèles,
Les envolées sans valeur, les saisons
De paradis rêvées à tire-d'aile.
Abigaël a perdu la raison.

Revenais-tu au pays, libérée,
En étudiante aux leçons malapprises ?
Au 'Majestic' tes amis t'admiraient.
Rester au Puy ? ils t'auraient bien reprise,
Ces pieux parents au bord de la méprise,
Ne comprenant ton regard isabelle
Qui signifiait que tu vis en rebelle:
Blouson de cuir, cœur brisé, sans prison,
Jean déchiré sur tes jambes si belles.
Abigaël a perdu la raison.

À Saint Germain aux amours délivrées
Tu crucifiais tes nuits où s' électrisent
Tous les 'Je t'aime' inaudibles, givrés
De tes envies, quand le son magnétise
Le risque pris, la peur qui poétise
Tes vingt printemps, sans un vol d'hirondelles.
Abigaël, les pris-tu pour modèle
Lorsqu'en ton sang coula le noir poison ?
Lorsqu'au matin s'éteignit la chandelle ?
Abigaël a perdu la raison

Princes absents vous n'êtes pas fidèles
En cette église où la foule autour d'elle
Prie sans croire à leur insane oraison.
Là je dépose une fleur d'asphodèle,
Abigaël a perdu la raison.

lundi 20 avril 2009

Ta rue est mon jardin...




Ta rue est mon jardin d' Éden abandonné

Où le temps déambule éphémère et perdu,
Où disparait soudain un peu désordonné
Comme un doux préambule à l'amour attendu.

La nuit en robe blanche ouverte à mes désirs
Déroule un long ruban bleui de l'impatience
De te voir ce dimanche - aurai-je ce plaisir ?
Assise sur le banc des heures d'insouciance.

J'ai parcouru cent fois l'allée des souvenirs,
Recomposé pour toi des bouquets d'avenir
Dans l'espoir qu'aujourd'hui enfin tu m'apparaisses;

Mais cette rue se vide et ton temps incertain
Fait au ciel impavide un espoir trop lointain
Que ton corps soit conduit au creux de mes caresses.

dimanche 5 avril 2009

Si tout commence un jour...

Vacuum City (épisode 3)




Il n'est guère d'histoire qui n'ait pas de fin. Si tout commence un jour dont personne n'a le souvenir, la fin et la vie qui l'a précédée laissent derrière elles une sorte de concrétion à laquelle la pensée peut s'accrocher.

Vivant des histoires où le temps s'écoule en un goutte-à-goutte continu, nous nous obstinons à écrire la nôtre, à l'inscrire dans nos mémoires dont finalement Chronos, en fin tacticien, efface l'essentiel, pour ne laisser qu'une marque à peine lisible, "A EXISTÉ", sur une pierre, dans la terre ou entre les pages d'un livre.

À Vacuum City, rien de tout cela. Pas de passé, pas d'avenir, pas de mémoire, donc, pas d'histoire.

Or Izen était, selon ses désirs, les miens sans doute aussi, l'hôte de cette cité impossible.

Personnage encombrant pour l'écriture, donc pour un projet, moi qui n'ai pas de temps à perdre, j'aurai pu lâchement l'abandonner à son sort, lui dire: tu l'as voulu, je t'y ai conduit, maintenant débrouille-toi !
Mais, j'ai pour Izen quelques sympathies et puis, il m'a juré (l'inconscient !) de conquérir Vacuum City et d'en revenir.

Il faut dire que pour l'instant Izen n'est pas très coopératif.Rappelez-vous ! il déambule dans les rues au gré de son temps vide.

Vaccum City ? parlons-en ! Bien qu'il me soit difficile d'en établir une métrique précise- Vacuum étant un non-lieu - j'ai pour vous quelques extraits des minutes d'un procès qui n'aura jamais lieu, et qui vous donneront, peut-être, une idée du forfait commis; car cette ville est un crime contre la psychologie des hommes qui depuis toujours ont poétisé la physique."

À Vacuum, les hommes y sont assurés de la perception ponctuelle de leur existence intangible...""La matière y est de basse énergie, les interactions, faibles ...""Le temps demeure une donnée exotique (ou poétique, comme vous voulez). Rien ici ne donne l'illusion de son passage. Il reste donc toujours suspendu au dessus de sa présence - courbure infinie du mouvement des corps..."Voilà les quelques informations dont je dispose.

Le temps pour Izen se résumait, selon la règle, à quelques secondes qui tournaient en boucle, sept exactement; suffisamment pour qu'un présent s'installe de façon non privilégiée.
Cela produisit chez lui, comme chez tous les citoyens de Vacuum, une sorte de conscience diffuse et instantanée d'être sans être, ici comme ailleurs, lui comme autre.

Aussi, lorsqu'il croisait dans les déambulatoires de la ville un autre lui-même, il ne pouvait savoir s'il s'agissait d'une simple image que lui renvoyait le miroir d'un temps inexistant ou une réelle altérité.
Tout ce que pouvait sentir Izen ne s'inscrivait ni dans le passé, ni dans le projet, de sorte qu'agir n'avait de sens que dans la simultanéité des faits qui se produisaient. Rencontrer, parler, aimer, manger, dormir, s'intégraient par partie dans ce temps court et mêlaient leur confusion synchrone à l'inutilité d'un dessein qui n'existait pas.
Le système vacuumien semblait sans faille. Et pourtant...

mardi 10 février 2009

Le temps de la métamorphose ...

Vacuum City (épisode 2)


Le vague sentiment qu'eut Izen Hollow en entrant dans Vacuum City fut des plus étranges. Une impression de n'être pas.

Les regrets d'avoir déposé projets et mémoire à l'entrée de la ville lui faillirent, le temps de la métamorphose immédiate presque brutale, de la chute sans vertige.

Il ne sut rien d'un avenir qui n'existait pas et n'avait gardé la mémoire de rien.

Et pourtant la vie ne l'avait pas quitté, enfin pas tout à fait.

Si vivre est courir sur le tapis déroulant du présent suspendu comme un point fragile entre passé et futur, si vivre est penduler sans cesse entre deux rives, l'une qui nous appelle, l'autre qui nous retient, alors vivre est un compromis que la règle de Vacuum City n'admettait pas.

Son présent, si on peut désigner ainsi un temps sans repère, Izen ne l'avait pas rendu. D'ailleurs personne ne lui avait demandé de s'en débarrasser.

À Vacuum City, les deux rives vers lesquelles tend toujours l'espoir des hommes étaient effacées, pour ne conserver que celle qui ne semble être rien d'autre qu'une illusion, l'autre rive; celle qui n'existe pas vraiment et qui pourtant, à chaque instant, fait que nous sommes.

Hollow avait juste senti sa volonté s'éteindre après avoir déposé ses bagages. Et puis plus rien.

La Haute Autorité avait donc décidé pour lui, en fonction du poids du dépôt. Elle lui avait attribué une durée non arbitraire, un instant de présent pertinent dans sa contingence, qui, comme c'était la règle à Vacuum City, n'était relié à rien.

Il avait revêtu l'habit gris des citoyens de la ville et la durée de son présent fut gravée dans ses yeux.

Sept secondes, pouvait-on lire.

Pour Hollow, sept secondes suffirent à vivre un présent qui ne se déroulait plus.

Sept secondes n'étaient pas du temps compté dans sa vie mais du temps abstrait, extrait du néant, une durée que les fonctionnaires de Vacuum City avaient comme toujours, pris soin de vider de sens.

Sept secondes à vivre en permanence au présent.

Sans le savoir Izen s'en accommoda.

Il déambula dans les rues au gré de ce temps vide, croisa les regards sans couleur, dépourvus de vie, marqués du sceau de la présence inutile, sans les voir.

dimanche 1 février 2009

Recollection [Le départ]




À la lueur de sa lampe vacillante
elle a écrit,
des mots gravés en estampes de vies volés
aux nuées de noms inconnus

à ne pas oublier,
à décompter au temps,
à retourner en vains sabliers,
pour adresser au ciel d'antan,
celui d'avant les nuages qui ont donné l'âge,
des missives d'âmes
à glisser dans l'enveloppe sombre
de la nuit.

Dans son manteau de brume,
son petit corps transi
attend,
brûle encor un peu de vie.

Elle n'aura jamais le temps d'être sage.

Demain sera le voyage
infini.
Maintenant elle a froid.
La nuit avance.

Elle se découvre au silence
lui sourit,
lui désigne du doigt un point imaginaire,
un lieu, un instant, un nom
à recouvrer,
enfoui
au fond du puits des souvenirs.

Elle a encor le regard de braise
des amoureuses qui nous apaisent.

Demain sera le départ,
elle n'aura pas de retard.

Recollection [Les fausses larmes]




Voilà qu'aimer a perdu
la consistance d'un corps.
Il lui faut maintenant en retrouver l'idée.

Quand eux, debout, dans la chapelle tourmentée,
mines tristes, accidentés,
le teint cireux de circonstance,
jeunes et vieux confondus
semblent des malentendus.

Leurs mains moites sont refermées
sur la peur d'être désarmées
face à l'amour qu'il n'est plus facile
de ne pas donner comme avant.

Dans le regard des jeunes gens
les quelques siècles d'indifférence
le révoltent, lui font pitié.

Pour eux il n'a point d'amitié.

Plus tard, autour d'un café,
en rang d'oignons dans le silence,
des pensées livrent son absence.

Morose, l'hiver s'endeuille
attend malade sur le seuil
d'une porte close.

Les volets claquent, imbéciles
battus par des vents indociles,
et tirent de vains coups de feu
sur de vrais innocents sans l'aveu
qu'aimer n'est pas toujours évident.

Dehors, sous le ciel hiémal,
sans âme l'hiver prend son temps.

Il pleut.

Il épie encor ce court instant,
ni jour ni nuit un peu des deux,
son regard gris cherche l'heure bleue
à travers les carreaux sales
qui exsudent le ruisseau clair

de fausses larmes.