Vacuum City (épisode 3)
Il n'est guère d'histoire qui n'ait pas de fin. Si tout commence un jour dont personne n'a le souvenir, la fin et la vie qui l'a précédée laissent derrière elles une sorte de concrétion à laquelle la pensée peut s'accrocher.
Vivant des histoires où le temps s'écoule en un goutte-à-goutte continu, nous nous obstinons à écrire la nôtre, à l'inscrire dans nos mémoires dont finalement Chronos, en fin tacticien, efface l'essentiel, pour ne laisser qu'une marque à peine lisible, "A EXISTÉ", sur une pierre, dans la terre ou entre les pages d'un livre.
À Vacuum City, rien de tout cela. Pas de passé, pas d'avenir, pas de mémoire, donc, pas d'histoire.
Or Izen était, selon ses désirs, les miens sans doute aussi, l'hôte de cette cité impossible.
Personnage encombrant pour l'écriture, donc pour un projet, moi qui n'ai pas de temps à perdre, j'aurai pu lâchement l'abandonner à son sort, lui dire: tu l'as voulu, je t'y ai conduit, maintenant débrouille-toi !
Mais, j'ai pour Izen quelques sympathies et puis, il m'a juré (l'inconscient !) de conquérir Vacuum City et d'en revenir.
Il faut dire que pour l'instant Izen n'est pas très coopératif.Rappelez-vous ! il déambule dans les rues au gré de son temps vide.
Vaccum City ? parlons-en ! Bien qu'il me soit difficile d'en établir une métrique précise- Vacuum étant un non-lieu - j'ai pour vous quelques extraits des minutes d'un procès qui n'aura jamais lieu, et qui vous donneront, peut-être, une idée du forfait commis; car cette ville est un crime contre la psychologie des hommes qui depuis toujours ont poétisé la physique."
À Vacuum, les hommes y sont assurés de la perception ponctuelle de leur existence intangible...""La matière y est de basse énergie, les interactions, faibles ...""Le temps demeure une donnée exotique (ou poétique, comme vous voulez). Rien ici ne donne l'illusion de son passage. Il reste donc toujours suspendu au dessus de sa présence - courbure infinie du mouvement des corps..."Voilà les quelques informations dont je dispose.
Le temps pour Izen se résumait, selon la règle, à quelques secondes qui tournaient en boucle, sept exactement; suffisamment pour qu'un présent s'installe de façon non privilégiée.
Cela produisit chez lui, comme chez tous les citoyens de Vacuum, une sorte de conscience diffuse et instantanée d'être sans être, ici comme ailleurs, lui comme autre.
Aussi, lorsqu'il croisait dans les déambulatoires de la ville un autre lui-même, il ne pouvait savoir s'il s'agissait d'une simple image que lui renvoyait le miroir d'un temps inexistant ou une réelle altérité.
Tout ce que pouvait sentir Izen ne s'inscrivait ni dans le passé, ni dans le projet, de sorte qu'agir n'avait de sens que dans la simultanéité des faits qui se produisaient. Rencontrer, parler, aimer, manger, dormir, s'intégraient par partie dans ce temps court et mêlaient leur confusion synchrone à l'inutilité d'un dessein qui n'existait pas.
Le système vacuumien semblait sans faille. Et pourtant...
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Emrys si les gestes, l'action sont dans le présent, la pensée elle ne peut être que dans le passé ou l'avenir...Non?
RépondreSupprimerJ'aime cette histoire et j'attends l'indéniable suite...
Théo